Les insectes au fil des saisons…

La saison 2015 de pêche à la mouche en rivière arrivant bientôt à terme, pour ce qui me concerne en tout cas, puisque je vais sous peu remiser la canne à mouche pour ressortir l’étau de montage jusqu’à l’ouverture prochaine; j’avais envie en ce début de trêve halieutique de vous exposer quelques clichés d’insectes adultes effectués au cours de sorties de pêche afin de vous présenter quelques unes des espèces ou des genres (si identification jusqu’à l’espèce improbable pour raisons diverses) les plus courants rencontrés sur les rivières limousines mais également observables sur de nombreux cours d’eau aux quatre coins de l’hexagone (en fonction des affinités géologiques, physico-chimiques… entre cours d’eau ou même climatiques entre régions).

Pour la grande majorité des moucheurs confirmés qui liront cet article, vous n’apprendrez rien de bien nouveau en visionnant ces photos, la plupart des individus exposés ci-dessous étant déjà familiers de nous tous, ou presque, au moins visuellement si le nom vous est inconnu… Pour les moins assidus, cette petite présentation devrait vous permettre d’obtenir quelques pistes d’identification concernant des insectes déjà observés au bord de l’eau, même si la détermination précise jusqu’à l’espèce, ou même du genre parfois, à l’œil nu s’avère très souvent hasardeuse; certains des insectes photographiés ici ayant d’ailleurs fait l’objet d’une étude sous appareil d’observation avant identification complète.

Toutefois la détermination du genre et même de la famille d’appartenance apportent déjà des indications sérieuses sur les mœurs de tel ou tel insecte, en reliant les informations obtenues par biais divers (ouvrages spécialisés, concours OPIE-BENTHOS) grâce au rang aux observations faites au bord de l’eau. Cela s’avère très utile pour comprendre notamment le comportement de nos chers salmonidés lors de leurs périodes d’alimentation… Pourquoi pêcher en noyée lors d’émergences d’heptagénéidés? Quel intérêt d’utiliser des émergentes engluées dans la pellicule? Pourquoi un subsedge est-il préférable à un sedge classique dans certains cas? Quand utiliser un spent d’éphémère et pour quelles espèces?…

Je me contenterai d’énumérer les insectes par ordre chronologique de leur période de vol, bien que très aléatoire, car de nombreuses espèces peuvent se côtoyer au stade ailé; certaines ayant des périodes de vol très étalées, d’autres bien plus courtes, et ce pour les trois ordres principaux ayant un cycle de développement mixte aquatique et aérien (éphéméroptères, plécoptères et trichoptères), histoire de revivre en quelque sorte le déroulement d’une saison de PALM au fil des saisons. J’ai ajouté également quelques photos (prises sur le vif!) d’individus avec leur imitation classique côte à côte; certes il ne s’agit pas de montages réalistes, mais de montages suffisamment ressemblants tout en étant pêchants et efficaces (c’est quand même la finalité!).

De nombreuses espèces ne figureront pas dans cet exposé, loin d’être exhaustif, mais là n’est pas le but… Il ne s’agit que d’un petit aperçu de la biodiversité existante en matière d’entomologie aquatique destiné à vous donner un peu de matière à étudier… Et il reste encore beaucoup à découvrir sur le plan scientifique!!! Une étude personnelle concernant les éphéméroptères en Limousin incluant une présentation générale suivie d’une description détaillée agrémentée de photos à chaque stade de développement des principaux genres et espèces est en cours d’élaboration …

Bon visionnage!

Pour commencer, Baetis rhodani, la star du début de saison! Très commune sur l’ensemble des rivières françaises, également présente en fin de saison avec une seconde génération…

Vol: février à avril

sub rhod

imitat rho

Rhithrogena germanica, la fameuse March Brown, bien représentée sur la Dordogne et la basse Corrèze également dès le mois de mars. Une valeur sûre pour sortir les grosses truites de leur léthargie hivernale lors d’émergences massives …

Vol: février à avril

MB.

 

Le genre Epeorus (2 espèces majoritaires), relativement précoce sur toutes les rivières courantes de la région, y compris sur le plateau de Millevaches. Souvent confondu avec les genres Ecdyonurus et Rhithrogena appartenant à la même famille…

Vol: mars à juin essentiellement

sub fem E. As-001

Les petits perlidés sombres de début de saison notamment, avec les genres Nemoura, Protonemura, Leuctra, et Brachyptera… On les rencontre régulièrement sur les rochers et la végétation rivulaire de nos cours d’eau limousins… Un signe indéniable de qualité des eaux!

Vol: toute la saison, voire même en hiver en fonction des genres et espèces

imit prot mey-001

imit Br risi-001

Brachycentrus subnubilus, ou cul-vert en raison de la masse ovifère d’un vert soutenu à l’extrémité de l’abdomen des femelles… Les remontées (vol de compensation) sont véritablement spectaculaires sur la Dordogne. Un des premiers trichoptères à faire son apparition en grande pompe. La larve avec étui (dite éruciforme) construit ce dernier à partir de débris végétaux généralement tout en se fixant sur un support (tige végétale, bois, pierre) pour éviter la dérive…

Vol: avril à mai

culvert

brachycentrus subnubilus femelle et son imitation.

Rhithrogena semicolorata, petite sœur de notre March Brown, également très répandue. Confusion possible avec les « olives » regroupant le genre Baetis, en raison de sa teinte verdâtre au stade subimago et sa taille similaire, bien que très différente même à l’œil nu…

Vol: avril à juillet

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imit im R. sem-001

imit spent R. sem-001

La famille Leptophlebiidae, avec ses deux principaux représentants, Paraleptophlebia submarginata et Habroleptoides confusa, dont la confusion est également possible. Bien que quasi absentes de la surface de par leur mode d’émergence, ces deux espèces tapissent souvent la ripisylve de nos cours d’eau à l’aplomb même des berges au début du printemps, en toute discrétion, phénomène visible pour qui sait prendre le temps d’observer…

Vol: avril à septembre

Sub P.sub

Sub H.confusa

Le genre Ecdyonurus, avec en tête de cortège Ecdyonurus venovus, de la taille d’une mouche de mai et remarquable au vol pendulaire des imagos mâles précédant l’accouplement. Cette danse nuptiale est caractéristique de nombreuses espèces de cette  même famille (Heptageniidae). D’autres espèces du même genre la côtoient, jusqu’en début d’automne parfois…

Vol: avril à octobre suivant les espèces

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Les petits perlidés clairs olives et jaunes,  en particulier les genres Isoperla et Siphonoperla, marquent l’arrivée des beaux jours avec leur teinte chatoyante…

Vol: mai à août

S.torrentium

I.gram

imit sip tor-001

Les grandes perles représentées essentiellement par Perla marginata et Dinocras cephalotes , deux géantes en étroite concurrence sur les rivières bien oxygénées au fond tapissé de galets et de pierres.
Les adultes s’apparentent à de véritables hors-bords lorsqu’ils nagent en surface. La distinction entre ces deux espèces est plus facilement observable au stade larvaire grâce aux motifs ornant la tête, même si ce n’est pas toujours flagrant…

Vol: mai à août

P.marginata

P.marg

D ceph

Les baétidés ou « olives » de manière générale,  la liste est très longue… Citons en particulier Baetis fuscatus, Baetis scambus, Baetis niger parmi les plus courantes. La distinction entre espèces de cette même famille est vraiment subtile, pratiquement impossible sans appareil d’observation, malgré certains critères anatomiques visibles suivant les cas (couleur des yeux et de l’abdomen des imagos mâles)…

Vol: mai à novembre suivant les espèces

B.fusmale

B.fuscatus

B scammale

B scamfem

Le printemps marque l’arrivée de nombreuses familles de trichoptères, notamment les sedges gris et bruns. Citons notamment Odontocerum albicorne, de taille assez imposante et très élégant avec ses longues antennes annelées et ses ailes aux nervures bien marquées. La larve avec étui (éruciforme) est reconnaissable à son étui conique légèrement arqué constitué de petits grains de sable agglomérés…

Vol: mai à août

O.albicorne

Le genre Hydropsyche, regroupant de nombreuses espèces, est extrêmement commun sur la Dordogne en particulier, notamment en fin de journée où la lumière déclinante est le phénomène déclencheur de l’émergence, au point parfois de tapisser nos waders en plein coup du soir! La larve libre (sans fourreau, dite campodéiforme) est très visible sous les pierres du lit des cours d’eau où elle côtoie sa proche cousine Rhyacophila…

Vol: mai à octobre

hydrop

PENTAX Image

 

Le genre Rhyacophila est facilement identifiable au stade larvaire (campodéiforme), de couleur verdâtre, rendant sa confusion impossible avec un autre genre. Cette teinte est encore souvent visible sur l’abdomen des adultes, notamment Rhyacophila dorsalis, très répandue…

Vol: mai à octobre

Rhyaco

larves rhyacophilas

Le genre Philopotamus (campodéiforme), notamment Philopotamus Montanus repérable à ses ailes particulières pigmentées de jaune, est localisé principalement sur les têtes de bassin et petits cours d’eau de moyenne montagne (plateau de Millevaches), où il abonde colonisant la végétation rivulaire…

Vol: avril à octobre

philop

PENTAX Image

De retour avec les éphéméroptères, citons Ephemerella ignita, constituant avec les baétidés le groupe des « olives » (la teinte olivâtre comparable à celle du fruit au stade subimago en est à l’origine), bien que n’appartenant pas au genre Baetis, est très commune sur les bassins intermédiaires. On la distingue facilement des baétidés grâce à la présence d’ailes postérieures beaucoup plus développées que chez ses cousines…

Vol: mai à novembre

PENTAX Image

La renommée sulfure, Heptagenia sulfurea, dont la subimago est de couleur jaune soufre, est répandue sur tous les cours d’eau de la région sans exception, tant que le courant est suffisant pour assurer l’oxygénation de ses larves, condition indispensable à toutes les larves de cette grande famille (Heptageniidae). Un constat personnel, son intérêt sur le plan halieutique semble cependant assez limité comparativement à d’autres espèces d’éphéméroptères émergeant pendant la même période, mais cette remarque n’engage que moi…

Vol: mai à septembre

sulfure

Ephemera danica, ou mouche de mai (bien que l’expression mouche de juin aurait été plus adéquate),  l’emblême de la pêche à la mouche par excellence tout aussi remarquable par sa taille que par son élégance, représente en quelque sorte l’apogée de la pêche en sèche et nous rappelle à tous des moments fabuleux lors d’émergences massives où les salmonidés se montrent généralement peu hostiles aux grosses imitations. Sa soeur jumelle Ephemera vulgata très semblable est plutôt rare par chez nous, bien qu’assez commune en région Auvergne…

Vol: mai à juillet principalement

e.danica

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imita e.dan-001

Oligoneuriella rhenana (manne grise) à ne pas confondre avec Ephoron virgo (manne blanche) sont toutes deux présentes sur la Dordogne, bien que les apparitions de la seconde soient beaucoup plus rares et localisées bien plus en aval que la première. Oligoneuriella rhenana est également observable sur de nombreux cours d’eau du Limousin, à l’exception des têtes de bassin, en toute fin de journée, déclenchant parfois des moments de frénésie intense chez les salmonidés jusque tard dans la soirée. Trouver l’imitation adéquate est une autre histoire…

Vol: juillet à septembre

ol rh

e.virgo

Les sedges roux, parmi lesquels figure le genre Anabolia entre autres, sont très abondants surtout en fin de saison, de la petite rivière du plateau jusqu’à la grande Dordogne…

Vol: mai à octobre de manière générale avec un pic en arrière saison

sedge roux

Je terminerai mon exposé par ce petit duo de hanneton des fougères (babarotte) avec son imitation, rien à voir avec les ordres précédents puisqu’il s’agit d’un coléopère terrestre n’ayant pas de cycle larvaire aquatique contrairement à tous les insectes présentés auparavant, mais sa présence non négligeable sur certains cours d’eau et secteurs géographiques de la région (au même titre que Bibio marci parmi beaucoup d’autres… ) justifiait qu’il soit ici mentionné…

imit babarotte-001

En espérant que ce rapide tour d’horizon des insectes rencontrés au bord de nos rivières limousines et d’ailleurs vous donne envie d’en savoir davantage et d’apprendre à les connaître un peu mieux… Ils le méritent bien!

Veuillez excuser la piètre qualité de certaines photos, celles-ci ayant été réalisées a l’aide de simples appareils numériques facilement transportables dans une poche du gilet de pêche, les conditions du moment n’étant pas toujours propices à la macrophotographie avec ce genre d’appareil…

Pour ceux qui souhaiteraient éventuellement de plus amples informations (au moins les basiques permettant la reconnaissance à l’œil nu) sur la détermination des familles, genres et espèces des principaux ordres,  vous pouvez me contacter par MP …

De nouveaux articles traitant d’entomologie aquatique  suivront, dans les mois à venir…

 

 

 

 

12 commentaires.

  1. ça, c’est de la balle…Reportage super complet, gros travail de recherche et de mise en page. Ouhaw, si d’autres pouvaient en faire autant, ce serait beaucoup plus simple.Encore merci pour les petits commentaires joints, par contre (et là, j’en demande beaucoup, mais je me lance…)si tu pouvais nous joindre le déroulement du montage de tes imitations, se serait parfait pour moi.
    Bravo, et bien…
    Au plaisir de te relire..

    Duc d’Issoire

  2. excelent document pour debutant et confirmé …arriver bord de la riviere et deja savoir les mouches presentent facilite grandement le choix des mouches pour commencer a pecher j aimerai plus de detail sur le temps de vie des larve je peche surtout en nymphe et larves merci beaucoup de partager votre savoir ce qui n est pas le cas de certain(pros) qui on peur de nous trouver au bord des rivieres ou des reservoir en concours amateurs pour rafler les premiers prix (vecu) attend reponse MERCI encore.

  3. Bravo pour ce travail d’une grande précision ; je vais m’en servir pour la saison prochaine bien que je sois en Bretagne ; l’observation est la base d’une bonne saison de mouche; l’hiver étant doux dans le Morbihan je passe du temps à observer les bords de rivière merci encore cette aide à la reconnaissance des insectes est superbe et très utile
    cordialement et bonne pêche à tous CHRISTIAN

  4. Très beau travail, concis mais précis, présenté de façon claire et intelligente, avec de belles photos et de belles imitations. Félicitations et merci beaucoup.
    ps : pour les sulphures, oui intérêt halieutique limité pour ma part également, je crois savoir que certains montent leurs imitations avec un petit train arrière représentant l’exuvie… est-ce que ça fait plus monter les poissons je ne sais pas…
    merci encore…

    Milou

  5. bonjour

    Bravo pour ce magnifique article. Pour un novice comme moi, la photo de l’insecte et de son imitation permet de mieux savoir quelle mouche il faut nouer à la pointe.
    très beaux montages par ailleurs.
    merci

  6. Merci pour vos commentaires, j’espère que tout ce temps passé à essayer de mettre en valeur ce petit monde bien particulier sans qui la pêche à la mouche n’existerait pas, profitera à beaucoup d’entre vous… Si vous y prenez goût vous ne verrez plus la pêche de la même façon!!! Une immersion dans ces milieux conditionne complètement votre approche d’un cours d’eau en action de pêche… La contemplation d’une scène particulière dans la vie quotidienne de ces petites bêtes au cœur d’une nature préservée suffit même parfois à vous contenter, tant le spectacle est beau, le tout baignant dans une atmosphère véritablement unique que l’on ne rencontre qu’au bord d’une rivière… A essayer!!!

  7. Félicitations pour ce travail fort utile, essentiel.

    bonne continuation

    Chris

  8. Salut Romaric!
    Merci pour ce superbe article très détaillé qui a le mérite d’être « facile » pour un mauvais entomologiste comme moi!
    j’espère que tu as passé une excellente fin de saison et que tu as eu l’occasion d’accrocher quelques une de tes imitations au bout de ta petite canne.
    Je pensais te voir sur la Dordogne en cette fin de saison…
    A très bientôt j’espère
    Stéphan

  9. article très sympa, et pour ma part une révision fort utile. Par ailleurs de bien jolis montages, je mettrais bien quelques unes de tes mouches dans ma boîte !

    Alexis

  10. Voilà un article très intelligent et pratique tel que l on aimerait en voir plus souvent ‘ il ne manque plus que des photo de l’ insecte en vol et ce serait parfait . En tout cas bravo
    Jf caisso

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